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Picron
26 décembre 2007

A quand un plan « Vigie-Critique » ?

 

La RTBF a diffusé un docu-fiction (révélé comme tel seulement après une demi-heure) qui avait pris toutes les apparences officielles d’une émission spéciale du J.T. pour annoncer l’indépendance de la Flandre décidée par les autorités politiques flamandes sans préavis et sans concertation avec la communauté francophone du pays.

 
Paradoxalement, c’est l’aspect le plus critiqué de ce faux journal, à savoir le style adopté par ses concepteurs, qui me semble apporter le plus d’enseignements.

Plus que les aberrations du séparatisme communautaire, l’émission a le mérite de mettre en exergue les manques flagrants d’esprit critique du consommateur d’images formaté(es). Ne fustige-t-on pas assez souvent la téléphagie ambiante pour ne pas se féliciter de la démarche imaginative d’un organisme public qui a osé mettre, par le traitement du sujet abordé, le politique devant ses responsabilités et, par le procédé employé, le téléspectateur devant lui-même ?

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Accuser la RTBF d’être tombée dans le sensationnalisme gratuit relève soit de la mauvaise foi, soit d’un manque de clairvoyance. Même si certains médias en abusent à des fins commerciales, susciter l’étonnement peut constituer, dans un but didactique, un adjuvant pédagogique de qualité. Dans le premier cas, on flirte avec la duperie ; le deuxième s’apparente à une amorce d’apprentissage. Le coup médiatique ponctuel appartient à une stratégie d’électrochoc salutaire, assez étrangère à l’audimat, puisque non annoncée et non renouvelable.

Du même ordre d’ailleurs que celle utilisée dans les années 60 par le psychologue américain Milgram qui, en taisant au départ le but réel d’une expérience aux volontaires chargés d’envoyer des (fausses) décharges électriques de plus en plus fortes à chaque réponse incorrecte d’un adulte complice et jouant la comédie de la douleur éprouvée, testait en fait la capacité de chacun à se transformer inconsciemment en bourreau soumis aux injonctions du scientifique.

En occultant sa vraie nature, le faux journal permet au  téléspectateur de s’interroger sur son aptitude à prendre du recul par rapport à l’information, particulièrement quand elle s’affiche officielle et qu’elle met notre vigilance en veilleuse. Qui  a cherché à recouper la nouvelle par d’autres sources ? Qui a laissé le temps à la raison de prendre le relais  de l’émotion ? Qui a actionné ses balises intérieures en l’absence de repères extérieurs ?

En prenant le risque de désacraliser l’icône « Journal Télévisé », la RTBF casse l’image du « Vu à la télé » et invite à dépasser les apparences, aussi sérieuses soient-elles, pour coller au plus près de la vérité. Quelle meilleure preuve de respect du public que cette invitation implicite à réagir contre toutes  les formes de manipulation et à développer une vision plus personnelle des événements ?

L’excellente équipe d’ « Arrêt sur image » sur France 5 ne s’y est pas trompée, elle qui a commenté positivement l’initiative belge et a conforté le propos en dénonçant, en prélude, un détournement d’images opéré par une présentatrice de FR3 dans le cadre d’un J.T. Celle-ci décrivait l’éclatement de crânes de talibans cachés dans les montagnes afghanes par des tireurs d’élite américains, morceaux de corps qui s’avéraient finalement, après investigation par la journaliste de FR5 , appartenir à des animaux sauvages tués par de simples chasseurs.  Mensonge ? Information non contrôlée ? Sensationnalisme ? Il n’est pas question de mettre en cause toutes les informations labellisées sérieuses (le relativisme absolu inhibe la pensée), mais la confiance n’exclut pas la critique. Autant la pensée unique appauvrit l’homme, autant le doute, générateur de diversités culturelles, l’enrichit.

C’est l’examen prolongé des comportements qui avalise ou non un titre, particulièrement en politique où aucune épreuve,  aucun diplôme n’est requis pour occuper un poste. Et c’est tant mieux pour la démocratie, mais les élus doivent, plus que d’autres, jouer de la transparence et accepter un droit de regard extérieur, par exemple par un groupe de pression comme une chaîne de télévision.

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A côté des avis partagés du public et de la presse, la réprobation presque unanime de la classe politique, vilipendant sur un ton virginal tous les participants de l’émission, collègues inclus, ne traduit-elle pas plus une susceptibilité corporatiste (« Touche pas à mon job », « Ne décrédibilise pas ma fonction »…) qu’une volonté altruiste de consumérisme citoyen ?

Pourquoi ce mouvement d’opinions ne pourrait-il pas, en fin de compte, servir de déclencheur à l’instauration d’une sorte de plan « Vigie-Critique » qui, à l’instar d’un renforcement préventif du « terrain » pour se prémunir contre la maladie, stimulerait la vigilance, l’esprit de discernement et le sens critique pour s’armer contre les agressions et dérives médiatiques ? Encore faudrait-il que les intervenants éducatifs, comme l’école et les médias, s’engagent plus dans ce domaine pour espérer secouer la léthargie d’un public depuis longtemps anesthésié.

Qui va réveiller Blanche-Neige ? Mais a-t-elle seulement envie qu’on la réveille ?

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Commentaires
Picron
  • Le futur de la planète dépend de la capacité des pays riches à changer leur mode de vie trop destructeur. Seule l’éducation suscitée par une conscience citoyenne ou à défaut par des catastrophes récurrentes peut imposer la décroissance et la simplicité de
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