« Il
faut sauver la planète » c’est le cri d’alarme que se sentent enfin
obligées de pousser toutes les autorités dites responsables, sous peine de se
voir condamnées par l’Histoire de non-assistance à planète en danger, si ce
n’est déjà fait eu égard à leur intervention tardive; toutes, à l’exception de
dirigeants de pays émergents comme la
Chine (compréhensible)et de quelques cow-boys velléitaires
américains (inadmissible) au milieu desquels Al Gore fait figure d’indien (
peuple sauvage qui
refusait de poser des actes susceptibles d’engendrer des séquelles jusqu’à sept générations ! Quelle leçon pour les civilisés qui, dans une
douce inconscience criminelle, laissent à leurs héritiers le soin de gérer des
siècles durant leurs déchets nucléaires !).
Tirer des mauvais plans sur la comète
Avant d’aller plus loin dans la
recherche des moyens dont nous disposons pour lui porter secours, oserions-nous
poser la question iconoclaste : « La Terre n’est-elle
pas arrivée naturellement en bout de course ? » sans être
taxé immédiatement de fataliste ou fumiste démobilisateur ?
L’homme ne fait-il pas partie
intégrante de la nature, au même titre que le vent, l’eau ou le soleil ? La
soi-disant artificialité de ses avancées scientifiques et techniques est en
fait toute naturelle puisque le produit d’une intelligence originelle. La
tromperie de l’artificiel tient non à son essence, mais à sa complexité due aux
manipulations, transformations, concentrations et autres recompositions. Plus
qu’une nuance lexicale, c’est une interrogation philosophique qui se pose.
Pourquoi l’intelligence a-t-elle pris le dessus sur l’instinct et déréglé notre
boussole intérieure ? A moins qu’elle en soit le prolongement ? Auquel
cas s’équivaudraient le suicide collectif instinctif et non élucidé d’animaux
se jetant du haut d’une falaise ou s’échouant sur la plage et celui
« intelligent » de l’homme. N’a-t-il pas été programmé pour devenir
son propre prédateur et, arrivé à un degré de saturation, s’autodétruire ?
Ou, comme le suggèrent les tenants de la
théorie Gaïa, pour permettre une autorégulation de la Terre, organisme vivant, qui
cherche à recouvrer la santé par l’excrétion de son cancer :
l’homme ?
Tout dans
la nature est recherche d’équilibre par le comblement des manques et le
rabotage des excès. Contradictoires dans notre conception occidentale, le bien
et le mal, comme le vide et le plein, le chaud et le froid … apparaissent
complémentaires dans l’esprit oriental. L’un n’existe pas sans l’autre. Le mal,
défini comme tel par notre conscience dans l’ignorance des desseins Supérieurs
et que nous nous devons de sans cesse combattre, ne donne-t-il pas un ou tout
son sens à la vie ? D’ailleurs la récurrence des guerres et des conflits,
aussi naturels que des éruptions volcaniques ou des tremblements de terre,
plaide en faveur de leur légitimité et crédibilise l’existence de tous les Hitler passés, présents ou
futurs. L’amplification actuelle, à nos yeux chaotique, du phénomène n’altère
en rien sa naturalité et ne révèlerait
en fait qu’une accélération du processus d’harmonisation.
De passagère, ponctuelle, conjoncturelle avant, cette
dérégulation se veut aujourd’hui permanente, universelle, structurelle. Dès
lors sont réunies les conditions objectives d’une déflagration endogène totale, à l’opposé des peurs
ancestrales d’une fin du monde aux causes imaginaires, superstitieuses ou
surnaturelles.
Le langage des signes
Signe
(subjectif certes, mais…) de ce risque dans le constat d’une amorce de cycle
achevé et de retour aux origines dans différents domaines.
Géologique d’abord, dans cette
menace de réchauffement climatique qui, à terme, génèrerait le recouvrement de
la terre par l’eau ou l’extension des déserts, comme à sa genèse.
Biologique ensuite, dans ce
retour en force, après un répit catalogué de définitif par une médecine
triomphaliste qui ignore le doute, de la bactérie ou du virus (Sida, Ebola,
grippe aviaire, maladies nosocomiales…) qui marquerait la victoire de l’unicellulaire
originel sur l’hypercellulaire sophistiqué : l’homme, au capital
immunologique érodé par trop d’emprunts médicamenteux. (N’est-il pas symbolique
le nom de simples donné aux plantes médicinales dont l’utilisation remonte à la
nuit des temps ?).
Historique enfin, dans la
succession chronologique et géographique des grandes civilisations humaines. Née
en Orient, la civilisation, dans ses phases marquantes, s’est déplacée d’Est en
Ouest (curieusement à l’inverse de la rotation de la Terre!) pour se fixer
autour de la méditerranée occidentale (Grèce, Rome) avant de progresser le long
de la façade Atlantique de l’Europe (Espagne, Portugal, France, Angleterre…),
puis de l’Amérique (côte ouest) pour aboutir actuellement dans le Pacifique (côte est des Etats-Unis,
Japon). La boucle est bouclée. C’est un peu comme si, dans une linéarité
exemplaire, l’Histoire avait laissé à chaque civilisation le temps d’étaler ses
richesses et de révéler ses médiocrités. Pourquoi permettrait-elle un deuxième
tour de piste dès lors que le retour à la case départ, l’Orient, avec les
futurs leaders de la planète : la
Chine et l’Inde, laminés par la mondialisation, ne
s’accompagnerait pas d’une originalité régénératrice ?
L’ébauche
réussie de la conquête spatiale ne préfigure-t-elle pas d’ailleurs
l’inéluctable abandon de la
Terre dans une fuite en avant inconsciente ?
Il est aussi
inquiétant de constater que c’est la civilisation occidentale à dominante
technologique, pionnière dans la fabrication et l’utilisation de la bombe
atomique, qui fédère de facto les autres civilisations, à composantes plus
spirituelles, autour de son modèle matérialiste. Que d’occasions galvaudées par
le passé pour rapprocher les civilisations entre elles et apporter plus de
conscience à la science ! Une de plus aujourd’hui ; sans doute la
dernière, car comme l’extension de la culture bourgeoise s’est traduite chez
nous par la disparition de la culture populaire, le mode d’expansion
monopolistique de la pensée occidentale interdit toute cohabitation durable. A
quand les conservatoires de culture africaine ou asiatique aux côtés des musées
du folklore, des réserves indiennes ou de semences stockées dans des tunnels
polaires ?
Le capitalisme est-il soluble dans l’eau
épurée ?
A cause de
son exploitation démesurée et son incitation à la consommation effrénée, le
capitalisme est mis sur le banc des accusés comme principal responsable des dérives actuelles. Limité dans le temps
et dans l’espace, il a pu donner l’illusion que la vie dispendieuse d’une
petite catégorie de privilégiés entraînait
peu de dommages pour le reste de la population. Mais sans concurrence après
l’élimination de tous ses adversaires, il en a profité pour s’étendre,
accroître sa puissance et dépasser les seuils de tolérance.
Qu’attendre comme changement d’un
système qui s’enrichit sur tout, même sur les dégradations qu’il a lui-même
provoquées (la correction d’une pollution accroît le PIB comme le licenciement
dans une entreprise sa cotation en bourse) et dont il s’arrange pour faire
payer les réparations par la
collectivité, en vertu de la règle cynique de la privatisation des bénéfices et
de la socialisation des pertes ? Comment va-t-il, après avoir surfé avec
profit sur la vague écologique, accepter de se laisser déposséder d’une partie
de sa rente ? Impensable, après sa lucrative mise en place, l’énergie
solaire gratuite et décentralisée ! Parions sur l’inventivité pernicieuse
des chercheurs à sa solde pour faire de l’ombre au soleil. Consommons,
polluons, dépolluons, purifions, repolluons… sous son contrôle et à grands
frais. Il a réussi l’exploit d’installer une bête puante dans une maison et de
convaincre ses occupants de ne pas la bouter dehors, mais d’acheter, pour
atténuer l’odeur, mille gadgets : sprays, parfums, déodorants, masques,
ventilateurs…
Non
décidément économie de marché et développement durable, profits personnels et
intérêt général, croissance et écologie sont difficilement conciliables.
Les politiciens : des spots
éclairés ?
Comment
convaincre un boulimique à faire régime, en l’occurrence ici à accepter la
décroissance, seule voie possible au salut de la Terre? Comment
orienter nos comportements pour que cet objectif, d’utopique aujourd’hui vu le
peu d’éléments en action ou même en gestation allant dans ce sens, se traduise
en ébauche de concrétisation exemplaire et par là contagieuse ? Par la
persuasion ? Par la contrainte ? La loi doit-elle précéder
l’éducation ? Le politique doit-il suivre le culturel ?
L’option
éducative avancée par H.G.Wells qui prophétisait il y a déjà plus de 150
ans : « L’avenir du monde : une course entre l’éducation et
la mort » aurait la préférence de
nos tempéraments individualistes assez enclins à l’adhésion volontariste, si
l’on occultait le facteur « vitesse » bien prégnant dans l’équation. L’urgence de la
situation perturbe nos schémas habituels de pensée et privilégie donc fort
logiquement l’option contraignante (interdictions et obligations) avec
des arrêtés d’exécution les plus immédiats possible.
Mais
peut-on croire en la puissance du politique à triompher de l’adversité présente
alors que l’examen du passé récent met en lumière son incapacité récurrente à
juguler la faim, la pauvreté, le chômage… ? Même dans les pays riches, les
écarts se creusent entre nantis et démunis à une échelle inadmissible.
Est-ce parce que quand nous
tirons la chasse d’eau, nos déjections ne sont plus comme avant évacuées au
loin, mais nous reviennent en pleine
figure, que la guerre contre la dégradation de notre milieu de vie a plus de
chances d’être gagnée ?
Que
d’obstacles à franchir pour faire passer des lois citoyennes de première
nécessité qui, pour être efficaces, se doivent d’être universelles ! Les
particularismes nationaux, pour ne pas parler des nationalismes exacerbés,
risquent de prendre le pas sur le bien commun. Significatif l’exemple de
l’Allemagne qui, bien qu’engagée résolument dans le développement des énergies
renouvelables, traîne le pas dans la réduction des émissions de CO2, dans le souci de défendre son
industrie automobile florissante.
Les liens
que les politiques entretiennent avec le monde de l’économie et de la finance
ne plaident pas en faveur de leur totale indépendance (les lobbys de la chimie
ont convaincu l’Union Européenne d’empoisonner le bio à coups de pesticides et
d’OGM). Auront-ils aussi la clairvoyance et l’audace nécessaires pour adopter
les bonnes mesures qui passent à coup sûr par une restriction des libertés individuelles et
prendre alors le risque d’une impopularité préjudiciable à leur carrière ?
De toute
façon, aussi élaborée soit-elle, la loi, si elle n’est pas comprise, acceptée
ou intégrée, risque d’effleurer la conscience du citoyen et de n’engendrer
qu’une adhésion forcée ou superficielle et par là un réflexe de contournement.
L’éducation, à quoi bon ?
Avec la
mise en veilleuse progressive de l’instinct et de l’intuition au profit de la
raison, l’éducation, par son travail en profondeur et de longue haleine, reste-t-elle
le seul moyen susceptible d’intérioriser des valeurs humanistes durables ?
Si
l’Occident affiche un bilan général positif au niveau de la défense de la
démocratie,ne le doit-il pas à l’héritage plus économique qu’éducatif et
culturel, constitué par des siècles de spoliations coloniales et sociales,
encore présentes aujourd’hui sous des formes modernes. (A l’image de
l’impérialisme américain actuel, Athènes, antique figure de proue occidentale,
finançait déjà sa démocratie par l’exploitation de son empire maritime).
Si chez
nous, les Flamands et les Wallons n’en sont pas venus aux mains pour régler
leur différend communautaire, n’est-ce pas dû en grande partie au pouvoir
d’achat suffisamment dissuasif pour les
deux protagonistes, au contraire de nos voisins yougoslaves moins
favorisés économiquement ?
Pour sa
défense, on pourrait avancer à juste titre le manque de moyens, des erreurs
d’objectif, de stratégie, la lenteur nécessaire à sa maturation…
Sans doute,
mais la cause première de son relatif échec ne tient-elle pas à la prééminence
de l’idéologie capitaliste qui, à travers son credo dévastateur : « Avoir le plus de besoins
possible et trouver les moyens de tous les satisfaire » flatte nos
penchants les moins avouables : l’égoïsme, la cupidité, l’avidité et même
la violence.
Cette
invitation aux excès et à la démesure n’exige aucune initiation, aucune
formation. Penser sans limite à la première personne du singulier s’acquiert
facilement, au contraire d’idéologies aux connotations altruistes qui demandent
un lent et long apprentissage.
« Ni
Marx, ni Jésus » titrait Jean-François Revel comme pour nous décourager
d’attendre de la révolution ou de la religion un espoir de bouleversement
salutaire. Véhiculant pourtant toutes
les deux un message « évangélique » propre à rendre l’humanité digne
(pour preuve : l’attirance permanente manifestée pour deux de ses figures
emblématiques : Che Guevara et l’abbé Pierre), ces doctrines, produits de l’éducation (ou
parfois aussi de l’endoctrinement), ne constituent plus un contrepouvoir
possible, parce que le capital de confiance et de crédit en leur faveur a été
fortement entamé, notamment par une mise en pratique trop souvent éloignée des
principes généreux et par leur institutionnalisation dévitalisante ou
dogmatique, débouchant même parfois sur des déviations odieuses (univers
concentrationnaire communiste).
Désorganiser le désordre
Alors,
encore un échec de l’éducation qu’il faut se résoudre à ranger dans le
catalogue des objets inutiles ? Certes non, mais son efficacité dépendra
dans le cas présent de sa capacité à nous démarquer des comportements grégaires
apparemment ordonnés, mais qui participent en fait à un profond désordre.
Désorganiser
le désordre devrait être le nouveau mot d’ordre éducatif qui visera à aider la
personne à se singulariser, à aller à contre-courant, à entrer parfois en
résistance, bref à devenir un enfant
de Don Quichotte ou une sorte d’anarchiste positif (comme on parle de discrimination et de crédit positifs).
Dommage que
la langue (et l’histoire) n’ait retenu du mot « anarchie » que ses aspects
péjoratifs (comme si, du christianisme,
on ignorait la Bible pour ne se souvenir que de l’Inquisition ou des guerres de religion), alors que
son sens étymologique : « sans chef » contient aussi les germes
d’une attitude autonome, d’une prise en charge personnelle, sans imposition
extérieure. S’il n’est pas orchestré sciemment à des fins manipulatrices ou
opportunistes, le désordre n’entraîne pas d’office le chaos. Il peut s’inscrire
au contraire comme nécessaire prélude au changement, à la création, à
l’harmonie. Une terre mise à nu voit pousser, dans une exubérante cacophonie,
une multitude de mauvaises herbes (en fait les bonnes herbes des terrains non
domestiqués) avec mission de rééquilibrer le sol. Aussi l’idée d’une anarchie
positive contagieuse, porteuse en puissance d’une société plus critique et plus
responsable, devrait séduire comme antidote à toutes les formes insidieuses de commanditionnements : diktats
des modes, matraquage de la publicité, impératifs du marketing, séduction de la
surconsommation, puissance du crédit, pression de Monsieur Tout le Monde…
Ce tamisage d’injonctions
implique dès lors la recherche et l’établissement de repères personnels fiables
et durables.
L’art du difficilement simple
Si c’est la complexité du système
qui est mise en cause, il y a peu de risques d’erreur dans le choix de la
simplicité comme nouveau Nord de notre boussole.
Mais, pour caricaturer, si
le compliqué est facile, le simple est difficile (le dictionnaire nouveau est
arrivé). Les différences se situent d’une part dans les dépenses d’énergie et de matière première, la quantité et la
sophistication des opérations nécessaires à l’élaboration, la fabrication et la
commercialisation d’un produit et d’autre part dans le degré d’accessibilité
par le consommateur pour s’approprier ledit produit.
Il est plus facile (et aberration
suprême, parfois moins cher) d’acheter un yaourt industriel qui a subi de
multiples transformations, a été emballé, suremballé et a parcouru des
centaines si pas des milliers de kms avant d’échouer dans notre frigo, que de
se procurer un yaourt artisanal dans un circuit local ou mieux de se le
fabriquer soi-même. Multiplier les exemples est superflu dès lors qu’on
comprend la logique du est à faire, à
garder longtemps, du proche, du collectif…à l’opposé de celle du tout fait, à jeter, du lointain, de l’individuel…
Bien balisé et fréquenté (suivez
la flèche et la file), le complexe se paie en argent et en dégâts
environnementaux élevés ; hors- piste, le simple se monnaie en temps, en
faibles dommages écologiques, mais surtout en efforts, car il induit prise de
conscience (se rendre compte qu’acheter n’est pas un acte innocent),
information (un guide de l’empreinte écologique, à la place du PIB comme
indicateur de richesse d’un pays, serait d’une aide précieuse), réflexion
(est-il sain, par exemple, que le loisir ait détrôné l’alimentation dans la
hiérarchie des dépenses ?) organisation (le sac réutilisable, plutôt que
des sacs jetables fournis sur place, démontre encore une carence éducative comblée
par une imposition extérieure) et enfin action (passer du consumeriste qui se consume à consommacteur qui se construit constitue
l’acte fondateur le plus exigeant de notre révolution personnelle ).
Car c’est bien de cela qu’il
s’agit finalement. Loin des
bouleversements collectifs qui ont fait
long feu et des réformes appliquées ou annoncées qui ne changent pas suffisamment
la donne, c’est dans la décision individuelle de s’investir dans un mode de vie
plus simple que réside une chance de salut.
Cela n’implique pas de retourner
à une économie de subsistance (même s’ils restent encore trop nombreux à la vivre dans nos pays
riches) où la simplicité de vie - disons : la simplification d’existence -
s’est toujours imposée éminemment écologique, mais au prix d’un impitoyable
assujettissement et d’une froide rudesse.
Dans notre économie d’abondance,
les restrictions imposées n’altèreraient pas fondamentalement le bien-être estimé à juste titre légitime,
d’autant qu’elles n’exclueraient pas le confort fourni par des techniques
éprouvées par le temps et leur utilisation critique (tout progrès est une
évolution mais pas forcément l’inverse). Internet contribue déjà à réduire les
déplacements par l’usage du travail à domicile, des cours à distance, des
vidéo-conférences.
Pourquoi ne pas imaginer la réservation à la carte des bus désertés dans les zones mal ou peu desservies ou
l’invitation, encouragée par des incitants financiers, aux commandes anticipées
de produits courants dans le but de réduire le gaspillage inhérent à la
sacro-sainte loi du marché où l’offre précède la demande ?
Si nous ne
sommes pas capables de rompre le cercle infernal de notre permissivité débridée
et d’imprévisibilité capricieuse par un minimum de programmation raisonnée, comment
supposer possibles des démarches plus engageantes ?
Une bonne guerre !
Faut-il
attendre (espérer ?) des dommages visibles, palpables (de l’eau brune à
nos robinets, des allergies fort handicapantes…) sur notre environnement proche
ou notre personne pour réagir ?
Sauf en cas
d’anéantissement ou d’écrasement irréversibles, la catastrophe, la maladie, la
souffrance peuvent jouer un rôle initiatique d’éducation, à condition
d’accepter leur réalité, de chercher à décoder leur message, d’en tirer une
leçon de vie et de s’y tenir, une fois le danger estompé.
Pendant la seconde guerre mondiale, le niveau
sanitaire des populations disposant d’un minimum requis s’est élevé et de
graves maladies comme le cancer ont régressé de façon spectaculaire. La leçon
de sobriété qui rime avec santé n’a pas été retenue ; sauf peut-être par
ceux qui, dans leur souhait semi-inconscient d’une bonne guerre pour résoudre nos problèmes supposés insolubles,
considèrent que les bénéfices tirés de ce drame en supplanteraient les affres. Pourquoi un effort de volonté précédé d’une
prospective empreinte de bon sens et de discernement ne permettait pas de faire
l’économie d’expériences désastreuses ?
Parce que la
privation n’apparaît pas primordiale ; parce que nous aveugle notre
confiance en la science salvatrice, la nouvelle religion mondialiste ;
parce que nous taraude, exhumée de notre mémoire collective ancestrale, la peur
de manquer qui nous pousse à profiter
de la vie au maximum ; parce que l’on attend que l’exemple vienne
des autres et avant tout d’en haut ; et surtout parce que nous manque cet
embryon de sagesse qui nous inciterait à recentrer notre vie autour de
l’essentiel (à définir par chacun), à la densifier, à considérer que le bonheur
n’est pas antinomique d’un certain détachement matérialiste volontaire.
Il n’est
pas question d’ascèse comme nous y invitent Saint Augustin : « Désire
ce que tu as » et le philosophe
américain Thoreau, père de la désobéissance civile : « Sois
riche des biens que tu ne possèdes pas », mais bien d’efforts à fournir
pour anticiper une difficulté grossissante. Repousser l’échéance d’une
intervention douloureuse mais nécessaire ne l’annule pas.
Chaque
petite correction compte, à commencer par des expressions revisitées à la
lumière de nos tendances ; ne plus dire d’office : « Où pars-tu
en vacances ? » mais « Que fais-tu de tes
vacances ? » ; « Gagner son steack » mais « Gagner
sa croûte », eu égard au gaspillage engendré par notre surconsommation de
viande, d’ailleurs mise sur le grill de la critique au plan sanitaire.
Utopie, quand tu nous tiens
Pourquoi ne
pas étendre à une révision de notre mode de vie les efforts gratuits dont nous sommes capables dans des tas de
domaines : pratique d’un sport amateur, apprentissage de la musique,
éducation des enfants, bénévolat humanitaire ou social … ?
L’école,
après la famille, devrait servir de catalyseur dans la recherche et le
développement de ce supplément d’âme qui fait cruellement défaut. Ces deux
institutions, détachées de contingences économiques paralysantes, ont tout
pouvoir pour empêcher que demain ne
ressemble à aujourd’hui et suggérer que le bonheur de vivre dépend avant tout
de l’accomplissement modeste de petites choses.
L'école
n’est pas au service de la société, mais bien des personnes qui la composent et
qui l’enrichiront de leur apport critique, créatif, spirituel acquis durant
leur scolarité.
Exiger une
révolution individuelle en s’exonérant d’une refonte du système éducatif serait
hypocrite, démobilisant et anti-productif. Ce n’est pas de pizza, pardon de
P.I.S.A. (test d’évaluation des connaissances) dont l’école à besoin, mais de
vista (vision élargie). Ce ne sont pas des points d’application qu’il faut
donner mais des points de repères pour aider le jeune à s’orienter dans
l’opacité ambiante. Plutôt que des instruments de contrôle (aussi discutables
que les tests impériaux de Q.I. largement déconsidérés),ce sont des outils
d’éducation non quantifiables qu’il faut mettre en place. Jusqu’à 14- 15 ans, la réussite scolaire devrait s’évaluer
principalement à l’aune de la capacité du jeune à exploiter ses potentialités,
à affirmer sa personnalité, à se monter curieux, imaginatif, créatif, autonome,
responsable et critique.
L’école
n’est-elle pas trop le lieu des réponses toutes faites aux questions que l’élève
ne se pose pas et où on ne répond pas assez à celles qu’il pose ou voudrait
poser ? Comme la mère d’Elie Wiesel, prix Nobel de
la Paix, qui lui demandait à son
retour de l’école : « As-tu posé les bonnes questions ? »,
elle devrait favoriser le questionnement permanent, même et surtout dérangeant,
notamment à travers le cours de philosophie, pierre angulaire des autres
matières. Non pour rechercher doctement le sens de la vie à travers des
doctrines et des systèmes, ni pour imposer des opinions définitives et des
préceptes tranchants dignes d’une brève
de comptoir, mais bien pour apprendre à penser par soi-même, à l’invite du
philosophe-pédagogue américain (encore un !) Matthew Lipman, fondateur
d’une « Philosophie pour enfants » à l’usage des écoles maternelles,
primaires et secondaires qui, par une méthode conviviale systématisée dans des
interrogations et des récits interpellants, oblige le jeune à réfléchir sur les
habitudes mentales, les préjugés, les lieux communs, les mises en condition,
les dogmatismes…
A ce niveau, l’école, à cause du
temps limité consacré à une telle démarche, de l’artificialité de son milieu et
de l’absence de lien affectif, ne sera jamais qu’un pâle substitut de la
famille d’où tout part et où tout revient, rompue à la construction tâtonnante des équilibres par
l’écoute, le dialogue, la confrontation critique et égalitaire des
comportements et des contradictions de chacun ; substitut certes, mais
malheureusement de plus en plus nécessaire devant certaines carences éducatives
patentées de la famille qu’il ne nous appartient pas de dénoncer ici (problème
de l’œuf et de la poule : qui est capable de commencer quoi ?).
Et si la
conjugaison des trois révolutions de velours : individuelle, familiale et
scolaire (rien que cela !) permettait d’élever l’espérance à la hauteur de
l’annonce de l’apocalypse (jamais l’homme n’a disposé d’autant de moyens de
destruction et de satisfaction massives) et laissait enfin le temps au futur simple d’asseoir son
hégémonie, vouant aux gémonies le futur antérieur décidément trop
compliqué ?
Picron
Vous pouvez calculer votre
empreinte écologique en consultant le site www.wwf.fr