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Picron

26 décembre 2007

A quand un plan « Vigie-Critique » ?

 

La RTBF a diffusé un docu-fiction (révélé comme tel seulement après une demi-heure) qui avait pris toutes les apparences officielles d’une émission spéciale du J.T. pour annoncer l’indépendance de la Flandre décidée par les autorités politiques flamandes sans préavis et sans concertation avec la communauté francophone du pays.

 
Paradoxalement, c’est l’aspect le plus critiqué de ce faux journal, à savoir le style adopté par ses concepteurs, qui me semble apporter le plus d’enseignements.

Plus que les aberrations du séparatisme communautaire, l’émission a le mérite de mettre en exergue les manques flagrants d’esprit critique du consommateur d’images formaté(es). Ne fustige-t-on pas assez souvent la téléphagie ambiante pour ne pas se féliciter de la démarche imaginative d’un organisme public qui a osé mettre, par le traitement du sujet abordé, le politique devant ses responsabilités et, par le procédé employé, le téléspectateur devant lui-même ?

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Accuser la RTBF d’être tombée dans le sensationnalisme gratuit relève soit de la mauvaise foi, soit d’un manque de clairvoyance. Même si certains médias en abusent à des fins commerciales, susciter l’étonnement peut constituer, dans un but didactique, un adjuvant pédagogique de qualité. Dans le premier cas, on flirte avec la duperie ; le deuxième s’apparente à une amorce d’apprentissage. Le coup médiatique ponctuel appartient à une stratégie d’électrochoc salutaire, assez étrangère à l’audimat, puisque non annoncée et non renouvelable.

Du même ordre d’ailleurs que celle utilisée dans les années 60 par le psychologue américain Milgram qui, en taisant au départ le but réel d’une expérience aux volontaires chargés d’envoyer des (fausses) décharges électriques de plus en plus fortes à chaque réponse incorrecte d’un adulte complice et jouant la comédie de la douleur éprouvée, testait en fait la capacité de chacun à se transformer inconsciemment en bourreau soumis aux injonctions du scientifique.

En occultant sa vraie nature, le faux journal permet au  téléspectateur de s’interroger sur son aptitude à prendre du recul par rapport à l’information, particulièrement quand elle s’affiche officielle et qu’elle met notre vigilance en veilleuse. Qui  a cherché à recouper la nouvelle par d’autres sources ? Qui a laissé le temps à la raison de prendre le relais  de l’émotion ? Qui a actionné ses balises intérieures en l’absence de repères extérieurs ?

En prenant le risque de désacraliser l’icône « Journal Télévisé », la RTBF casse l’image du « Vu à la télé » et invite à dépasser les apparences, aussi sérieuses soient-elles, pour coller au plus près de la vérité. Quelle meilleure preuve de respect du public que cette invitation implicite à réagir contre toutes  les formes de manipulation et à développer une vision plus personnelle des événements ?

L’excellente équipe d’ « Arrêt sur image » sur France 5 ne s’y est pas trompée, elle qui a commenté positivement l’initiative belge et a conforté le propos en dénonçant, en prélude, un détournement d’images opéré par une présentatrice de FR3 dans le cadre d’un J.T. Celle-ci décrivait l’éclatement de crânes de talibans cachés dans les montagnes afghanes par des tireurs d’élite américains, morceaux de corps qui s’avéraient finalement, après investigation par la journaliste de FR5 , appartenir à des animaux sauvages tués par de simples chasseurs.  Mensonge ? Information non contrôlée ? Sensationnalisme ? Il n’est pas question de mettre en cause toutes les informations labellisées sérieuses (le relativisme absolu inhibe la pensée), mais la confiance n’exclut pas la critique. Autant la pensée unique appauvrit l’homme, autant le doute, générateur de diversités culturelles, l’enrichit.

C’est l’examen prolongé des comportements qui avalise ou non un titre, particulièrement en politique où aucune épreuve,  aucun diplôme n’est requis pour occuper un poste. Et c’est tant mieux pour la démocratie, mais les élus doivent, plus que d’autres, jouer de la transparence et accepter un droit de regard extérieur, par exemple par un groupe de pression comme une chaîne de télévision.

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A côté des avis partagés du public et de la presse, la réprobation presque unanime de la classe politique, vilipendant sur un ton virginal tous les participants de l’émission, collègues inclus, ne traduit-elle pas plus une susceptibilité corporatiste (« Touche pas à mon job », « Ne décrédibilise pas ma fonction »…) qu’une volonté altruiste de consumérisme citoyen ?

Pourquoi ce mouvement d’opinions ne pourrait-il pas, en fin de compte, servir de déclencheur à l’instauration d’une sorte de plan « Vigie-Critique » qui, à l’instar d’un renforcement préventif du « terrain » pour se prémunir contre la maladie, stimulerait la vigilance, l’esprit de discernement et le sens critique pour s’armer contre les agressions et dérives médiatiques ? Encore faudrait-il que les intervenants éducatifs, comme l’école et les médias, s’engagent plus dans ce domaine pour espérer secouer la léthargie d’un public depuis longtemps anesthésié.

Qui va réveiller Blanche-Neige ? Mais a-t-elle seulement envie qu’on la réveille ?

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24 octobre 2007

Le futur simple

 « Il faut sauver la planète » c’est le cri d’alarme que se sentent enfin obligées de pousser toutes les autorités dites responsables, sous peine de se voir condamnées par l’Histoire de non-assistance à planète en danger, si ce n’est déjà fait eu égard à leur intervention tardive; toutes, à l’exception de dirigeants de pays émergents comme la Chine (compréhensible)et de quelques cow-boys velléitaires américains (inadmissible) au milieu desquels Al Gore fait figure d’indien ( peuple sauvage qui refusait de poser des actes susceptibles d’engendrer des séquelles jusqu’à sept générations ! Quelle leçon pour les civilisés  qui, dans une douce inconscience criminelle, laissent à leurs héritiers le soin de gérer des siècles durant leurs déchets nucléaires !).

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 Tirer des mauvais plans sur la comète

 

 Avant d’aller plus loin dans la recherche des moyens dont nous disposons pour lui porter secours, oserions-nous poser la question iconoclaste : « La Terre n’est-elle pas arrivée naturellement  en bout de course ? » sans être taxé immédiatement de fataliste ou fumiste démobilisateur ?

L’homme ne fait-il pas partie intégrante de la nature, au même titre que le vent, l’eau ou le soleil ? La soi-disant artificialité de ses avancées scientifiques et techniques est en fait toute naturelle puisque le produit d’une intelligence originelle. La tromperie de l’artificiel tient non à son essence, mais à sa complexité due aux manipulations, transformations, concentrations et autres recompositions. Plus qu’une nuance lexicale, c’est une interrogation philosophique qui se pose. Pourquoi l’intelligence a-t-elle pris le dessus sur l’instinct et déréglé notre boussole intérieure ? A moins qu’elle en soit le prolongement ? Auquel cas s’équivaudraient le suicide collectif instinctif et non élucidé d’animaux se jetant du haut d’une falaise ou s’échouant sur la plage et celui « intelligent » de l’homme. N’a-t-il pas été programmé pour devenir son propre prédateur et, arrivé à un degré de saturation, s’autodétruire ? Ou, comme le suggèrent les tenants de la théorie Gaïa, pour permettre une autorégulation de la Terre, organisme vivant, qui cherche à recouvrer la santé par l’excrétion de son cancer : l’homme ?

 Tout dans la nature est recherche d’équilibre par le comblement des manques et le rabotage des excès. Contradictoires dans notre conception occidentale, le bien et le mal, comme le vide et le plein, le chaud et le froid … apparaissent complémentaires dans l’esprit oriental. L’un n’existe pas sans l’autre. Le mal, défini comme tel par notre conscience dans l’ignorance des desseins Supérieurs et que nous nous devons de sans cesse combattre, ne donne-t-il pas un ou tout son sens à la vie ? D’ailleurs la récurrence des guerres et des conflits, aussi naturels que des éruptions volcaniques ou des tremblements de terre, plaide en faveur de leur légitimité et crédibilise l’existence de tous les Hitler passés, présents ou futurs. L’amplification actuelle, à nos yeux chaotique, du phénomène n’altère en rien sa naturalité et ne révèlerait en fait qu’une accélération du processus d’harmonisation.

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De passagère, ponctuelle, conjoncturelle avant, cette dérégulation se veut aujourd’hui permanente, universelle, structurelle. Dès lors sont réunies les conditions objectives d’une déflagration endogène totale, à l’opposé des peurs ancestrales d’une fin du monde aux causes imaginaires, superstitieuses ou surnaturelles.

 

 
 Le langage des signes

 

 Signe (subjectif certes, mais…) de ce risque dans le constat d’une amorce de cycle achevé et de retour aux origines dans différents domaines.

Géologique d’abord, dans cette menace de réchauffement climatique qui, à terme, génèrerait le recouvrement de la terre par l’eau ou l’extension des déserts, comme à sa genèse.

Biologique ensuite, dans ce retour en force, après un répit catalogué de définitif par une médecine triomphaliste qui ignore le doute, de la bactérie ou du virus (Sida, Ebola, grippe aviaire, maladies nosocomiales…) qui marquerait la victoire de l’unicellulaire originel sur l’hypercellulaire sophistiqué : l’homme, au capital immunologique érodé par trop d’emprunts médicamenteux. (N’est-il pas symbolique le nom de simples donné aux plantes médicinales dont l’utilisation remonte à la nuit des temps ?).

Historique enfin, dans la succession chronologique et géographique des grandes civilisations humaines. Née en Orient, la civilisation, dans ses phases marquantes, s’est déplacée d’Est en Ouest (curieusement à l’inverse de la rotation de la Terre!) pour se fixer autour de la méditerranée occidentale (Grèce, Rome) avant de progresser le long de la façade Atlantique de l’Europe (Espagne, Portugal, France, Angleterre…), puis de l’Amérique (côte ouest) pour aboutir actuellement dans le Pacifique (côte est des Etats-Unis, Japon). La boucle est bouclée. C’est un peu comme si, dans une linéarité exemplaire, l’Histoire avait laissé à chaque civilisation le temps d’étaler ses richesses et de révéler ses médiocrités. Pourquoi permettrait-elle un deuxième tour de piste dès lors que le retour à la case départ, l’Orient, avec les futurs leaders de la planète : la Chine et l’Inde, laminés par la mondialisation, ne s’accompagnerait pas d’une originalité régénératrice ?

 L’ébauche réussie de la conquête spatiale ne préfigure-t-elle pas d’ailleurs l’inéluctable abandon de la Terre dans une fuite en avant inconsciente ?

 Il est aussi inquiétant de constater que c’est la civilisation occidentale à dominante technologique, pionnière dans la fabrication et l’utilisation de la bombe atomique, qui fédère de facto les autres civilisations, à composantes plus spirituelles, autour de son modèle matérialiste. Que d’occasions galvaudées par le passé pour rapprocher les civilisations entre elles et apporter plus de conscience à la science ! Une de plus aujourd’hui ; sans doute la dernière, car comme l’extension de la culture bourgeoise s’est traduite chez nous par la disparition de la culture populaire, le mode d’expansion monopolistique de la pensée occidentale interdit toute cohabitation durable. A quand les conservatoires de culture africaine ou asiatique aux côtés des musées du folklore, des réserves indiennes ou de semences stockées dans des tunnels polaires ?

 

 Le capitalisme est-il soluble dans l’eau épurée ?

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 A cause de son exploitation démesurée et son incitation à la consommation effrénée, le capitalisme est mis sur le banc des accusés comme principal responsable des dérives actuelles. Limité dans le temps et dans l’espace, il a pu donner l’illusion que la vie dispendieuse d’une petite catégorie de privilégiés entraînait peu de dommages pour le reste de la population. Mais sans concurrence après l’élimination de tous ses adversaires, il en a profité pour s’étendre, accroître sa puissance et dépasser les seuils de tolérance.

Qu’attendre comme changement d’un système qui s’enrichit sur tout, même sur les dégradations qu’il a lui-même provoquées (la correction d’une pollution accroît le PIB comme le licenciement dans une entreprise sa cotation en bourse) et dont il s’arrange pour faire payer les réparations par la collectivité, en vertu de la règle cynique de la privatisation des bénéfices et de la socialisation des pertes ? Comment va-t-il, après avoir surfé avec profit sur la vague écologique, accepter de se laisser déposséder d’une partie de sa rente ? Impensable, après sa lucrative mise en place, l’énergie solaire gratuite et décentralisée ! Parions sur l’inventivité pernicieuse des chercheurs à sa solde pour faire de l’ombre au soleil. Consommons, polluons, dépolluons, purifions, repolluons… sous son contrôle et à grands frais. Il a réussi l’exploit d’installer une bête puante dans une maison et de convaincre ses occupants de ne pas la bouter dehors, mais d’acheter, pour atténuer l’odeur, mille gadgets : sprays, parfums, déodorants, masques, ventilateurs…

 Non décidément économie de marché et développement durable, profits personnels et intérêt général, croissance et écologie sont difficilement conciliables.

 

 Les politiciens : des spots éclairés ?

 

 Comment convaincre un boulimique à faire régime, en l’occurrence ici à accepter la décroissance, seule voie possible au salut de la Terre? Comment orienter nos comportements pour que cet objectif, d’utopique aujourd’hui vu le peu d’éléments en action ou même en gestation allant dans ce sens, se traduise en ébauche de concrétisation exemplaire et par là contagieuse ? Par la persuasion ? Par la contrainte ? La loi doit-elle précéder l’éducation ? Le politique doit-il suivre le culturel ?

 L’option éducative avancée par H.G.Wells qui prophétisait il y a déjà plus de 150 ans : « L’avenir du monde : une course entre l’éducation et la mort » aurait la préférence de nos tempéraments individualistes assez enclins à l’adhésion volontariste, si l’on occultait le facteur « vitesse » bien prégnant dans l’équation. L’urgence de la situation perturbe nos schémas habituels de pensée et privilégie donc fort logiquement l’option contraignante (interdictions et obligations) avec des arrêtés d’exécution  les plus immédiats possible.

 Mais peut-on croire en la puissance du politique à triompher de l’adversité présente alors que l’examen du passé récent met en lumière son incapacité récurrente à juguler la faim, la pauvreté, le chômage… ? Même dans les pays riches, les écarts se creusent entre nantis et démunis à une échelle inadmissible.

Est-ce parce que quand nous tirons la chasse d’eau, nos déjections ne sont plus comme avant évacuées au loin, mais nous reviennent en pleine figure, que la guerre contre la dégradation de notre milieu de vie a plus de chances d’être gagnée ?

 Que d’obstacles à franchir pour faire passer des lois citoyennes de première nécessité qui, pour être efficaces, se doivent d’être universelles ! Les particularismes nationaux, pour ne pas parler des nationalismes exacerbés, risquent de prendre le pas sur le bien commun. Significatif l’exemple de l’Allemagne qui, bien qu’engagée résolument dans le développement des énergies renouvelables, traîne le pas dans la réduction des émissions de CO2, dans le souci de défendre son industrie automobile florissante.

 Les liens que les politiques entretiennent avec le monde de l’économie et de la finance ne plaident pas en faveur de leur totale indépendance (les lobbys de la chimie ont convaincu l’Union Européenne d’empoisonner le bio à coups de pesticides et d’OGM). Auront-ils aussi la clairvoyance et l’audace nécessaires pour adopter les bonnes mesures qui passent à coup sûr par une restriction des libertés individuelles et prendre alors le risque d’une impopularité préjudiciable à leur carrière ?

 De toute façon, aussi élaborée soit-elle, la loi, si elle n’est pas comprise, acceptée ou intégrée, risque d’effleurer la conscience du citoyen et de n’engendrer qu’une adhésion forcée ou superficielle et par là un réflexe de contournement.

 
 

  L’éducation, à quoi bon ?

 

 Avec la mise en veilleuse progressive de l’instinct et de l’intuition au profit de la raison, l’éducation, par son travail en profondeur et de longue haleine, reste-t-elle le seul moyen susceptible d’intérioriser des valeurs humanistes durables ?

 Si l’Occident affiche un bilan général positif au niveau de la défense de la démocratie,ne le doit-il pas à l’héritage plus économique qu’éducatif et culturel, constitué par des siècles de spoliations coloniales et sociales, encore présentes aujourd’hui sous des formes modernes. (A l’image de l’impérialisme américain actuel, Athènes, antique figure de proue occidentale, finançait déjà sa démocratie par l’exploitation de son empire maritime).

 Si chez nous, les Flamands et les Wallons n’en sont pas venus aux mains pour régler leur différend communautaire, n’est-ce pas dû en grande partie au pouvoir d’achat suffisamment dissuasif  pour les deux protagonistes, au contraire de nos voisins yougoslaves moins favorisés économiquement ?

 Pour sa défense, on pourrait avancer à juste titre le manque de moyens, des erreurs d’objectif, de stratégie, la lenteur nécessaire à sa maturation…

 Sans doute, mais la cause première de son relatif échec ne tient-elle pas à la prééminence de l’idéologie capitaliste qui, à travers son credo dévastateur : « Avoir le plus de besoins possible et trouver les moyens de tous les satisfaire » flatte nos penchants les moins avouables : l’égoïsme, la cupidité, l’avidité et même la violence.

 Cette invitation aux excès et à la démesure n’exige aucune initiation, aucune formation. Penser sans limite à la première personne du singulier s’acquiert facilement, au contraire d’idéologies aux connotations altruistes qui demandent un lent et long apprentissage.

 « Ni Marx, ni Jésus » titrait Jean-François Revel comme pour nous décourager d’attendre de la révolution ou de la religion un espoir de bouleversement salutaire. Véhiculant pourtant toutes les deux un message « évangélique » propre à rendre l’humanité digne (pour preuve : l’attirance permanente manifestée pour deux de ses figures emblématiques : Che Guevara et l’abbé Pierre), ces doctrines, produits de l’éducation (ou parfois aussi de l’endoctrinement), ne constituent plus un contrepouvoir possible, parce que le capital de confiance et de crédit en leur faveur a été fortement entamé, notamment par une mise en pratique trop souvent éloignée des principes généreux et par leur institutionnalisation dévitalisante ou dogmatique, débouchant même parfois sur des déviations odieuses (univers concentrationnaire communiste).


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 Désorganiser le désordre

 

 Alors, encore un échec de l’éducation qu’il faut se résoudre à ranger dans le catalogue des objets inutiles ? Certes non, mais son efficacité dépendra dans le cas présent de sa capacité à nous démarquer des comportements grégaires apparemment ordonnés, mais qui participent en fait à un profond désordre.

 Désorganiser le désordre devrait être le nouveau mot d’ordre éducatif qui visera à aider la personne à se singulariser, à aller à contre-courant, à entrer parfois en résistance, bref à devenir un enfant de Don Quichotte  ou une sorte d’anarchiste positif (comme on parle de discrimination  et de crédit positifs).

 Dommage que la langue (et l’histoire) n’ait retenu du mot « anarchie » que ses aspects péjoratifs  (comme si, du christianisme, on ignorait la Bible pour ne se souvenir que de l’Inquisition ou des guerres de religion), alors que son sens étymologique : « sans chef » contient aussi les germes d’une attitude autonome, d’une prise en charge personnelle, sans imposition extérieure. S’il n’est pas orchestré sciemment à des fins manipulatrices ou opportunistes, le désordre n’entraîne pas d’office le chaos. Il peut s’inscrire au contraire comme nécessaire prélude au changement, à la création, à l’harmonie. Une terre mise à nu voit pousser, dans une exubérante cacophonie, une multitude de mauvaises herbes (en fait les bonnes herbes des terrains non domestiqués) avec mission de rééquilibrer le sol. Aussi l’idée d’une anarchie positive contagieuse, porteuse en puissance d’une société plus critique et plus responsable, devrait séduire comme antidote à toutes les formes insidieuses de commanditionnements : diktats des modes, matraquage de la publicité, impératifs du marketing, séduction de la surconsommation, puissance du crédit, pression de Monsieur Tout le Monde…

Ce tamisage d’injonctions implique dès lors la recherche et l’établissement de repères personnels fiables et durables. 

 

L’art du difficilement simple

 

Si c’est la complexité du système qui est mise en cause, il y a peu de risques d’erreur dans le choix de la simplicité comme nouveau Nord de notre boussole.

Mais, pour caricaturer,  si le compliqué est facile, le simple est difficile (le dictionnaire nouveau est arrivé). Les différences se situent d’une part dans les dépenses d’énergie et de matière première, la quantité et la sophistication des opérations nécessaires à l’élaboration, la fabrication et la commercialisation d’un produit et d’autre part dans le degré d’accessibilité par le consommateur pour s’approprier ledit produit.

Il est plus facile (et aberration suprême, parfois moins cher) d’acheter un yaourt industriel qui a subi de multiples transformations, a été emballé, suremballé et a parcouru des centaines si pas des milliers de kms avant d’échouer dans notre frigo, que de se procurer un yaourt artisanal dans un circuit local ou mieux de se le fabriquer soi-même. Multiplier les exemples est superflu dès lors qu’on comprend la logique du est à faire, à garder longtemps, du proche, du collectif…à l’opposé de celle du tout fait, à jeter, du lointain, de l’individuel…

Bien balisé et fréquenté (suivez la flèche et la file), le complexe se paie en argent et en dégâts environnementaux élevés ; hors- piste, le simple se monnaie en temps, en faibles dommages écologiques, mais surtout en efforts, car il induit prise de conscience (se rendre compte qu’acheter n’est pas un acte innocent), information (un guide de l’empreinte écologique, à la place du PIB comme indicateur de richesse d’un pays, serait d’une aide précieuse), réflexion (est-il sain, par exemple, que le loisir ait détrôné l’alimentation dans la hiérarchie des dépenses ?) organisation (le sac réutilisable, plutôt que des sacs jetables fournis sur place, démontre encore une carence éducative comblée par une imposition extérieure) et enfin action (passer du consumeriste qui se consume à consommacteur qui se construit constitue l’acte fondateur le plus exigeant de notre révolution personnelle ).

Car c’est bien de cela qu’il s’agit  finalement. Loin des bouleversements collectifs qui ont fait long feu et des réformes appliquées ou annoncées qui ne changent pas suffisamment la donne, c’est dans la décision individuelle de s’investir dans un mode de vie plus simple que réside une chance de salut.

Cela n’implique pas de retourner à une économie de subsistance (même s’ils restent encore trop nombreux à la vivre dans nos pays riches) où la simplicité de vie - disons : la simplification d’existence - s’est toujours imposée éminemment écologique, mais au prix d’un impitoyable assujettissement et d’une froide rudesse.

Dans notre économie d’abondance, les restrictions imposées n’altèreraient pas fondamentalement le bien-être estimé à juste titre légitime, d’autant qu’elles n’exclueraient pas le confort fourni par des techniques éprouvées par le temps et leur utilisation critique (tout progrès est une évolution mais pas forcément l’inverse). Internet contribue déjà à réduire les déplacements par l’usage du travail à domicile, des cours à distance, des vidéo-conférences.

Pourquoi ne pas imaginer  la réservation à la carte des bus désertés dans les zones mal ou peu desservies ou l’invitation, encouragée par des incitants financiers, aux commandes anticipées de produits courants dans le but de réduire le gaspillage inhérent à la sacro-sainte loi du marché où l’offre précède la demande ?

 Si nous ne sommes pas capables de rompre le cercle infernal de notre permissivité débridée et d’imprévisibilité capricieuse par un minimum de programmation raisonnée, comment supposer possibles des démarches plus engageantes ?

 

 Une bonne guerre !

 

 Faut-il attendre (espérer ?) des dommages visibles, palpables (de l’eau brune à nos robinets, des allergies fort handicapantes…) sur notre environnement proche ou notre personne pour réagir ?

 Sauf en cas d’anéantissement ou d’écrasement irréversibles, la catastrophe, la maladie, la souffrance peuvent jouer un rôle initiatique d’éducation, à condition d’accepter leur réalité, de chercher à décoder leur message, d’en tirer une leçon de vie et de s’y tenir, une fois le danger estompé.

  Pendant la seconde guerre mondiale, le niveau sanitaire des populations disposant d’un minimum requis s’est élevé et de graves maladies comme le cancer ont régressé de façon spectaculaire. La leçon de sobriété qui rime avec santé n’a pas été retenue ; sauf peut-être par ceux qui, dans leur souhait semi-inconscient d’une bonne guerre pour résoudre nos problèmes supposés insolubles, considèrent que les bénéfices tirés de ce drame en supplanteraient les affres. Pourquoi un effort de volonté précédé d’une prospective empreinte de bon sens et de discernement ne permettait pas de faire l’économie d’expériences désastreuses ?

 Parce que la privation n’apparaît pas primordiale ; parce que nous aveugle notre confiance en la science salvatrice, la nouvelle religion mondialiste ; parce que nous taraude, exhumée de notre mémoire collective ancestrale, la peur de manquer qui nous pousse à profiter de la vie au maximum ; parce que l’on attend que l’exemple vienne des autres et avant tout d’en haut ; et surtout parce que nous manque cet embryon de sagesse qui nous inciterait à recentrer notre vie autour de l’essentiel (à définir par chacun), à la densifier, à considérer que le bonheur n’est pas antinomique d’un certain détachement matérialiste volontaire.

 Il n’est pas question d’ascèse comme nous y invitent Saint Augustin : « Désire ce que tu as » et le philosophe américain Thoreau, père de la désobéissance civile : «  Sois riche des biens que tu ne possèdes pas », mais bien d’efforts à fournir pour anticiper une difficulté grossissante. Repousser l’échéance d’une intervention douloureuse mais nécessaire ne l’annule pas.

 Chaque petite correction compte, à commencer par des expressions revisitées à la lumière de nos tendances ; ne plus dire d’office : « Où pars-tu en vacances ? » mais « Que fais-tu de tes vacances ? » ; « Gagner son steack » mais « Gagner sa croûte », eu égard au gaspillage engendré par notre surconsommation de viande, d’ailleurs mise sur le grill de la critique au plan sanitaire.

 

 Utopie, quand tu nous tiens

 

 Pourquoi ne pas étendre à une révision de notre mode de vie les efforts gratuits dont nous sommes capables dans des tas de domaines : pratique d’un sport amateur, apprentissage de la musique, éducation des enfants, bénévolat humanitaire ou social … ?

  L’école, après la famille, devrait servir de catalyseur dans la recherche et le développement de ce supplément d’âme qui fait cruellement défaut. Ces deux institutions, détachées de contingences économiques paralysantes, ont tout pouvoir pour empêcher que demain ne ressemble à aujourd’hui et suggérer que le bonheur de vivre dépend avant tout de l’accomplissement modeste de petites choses.

 L'école n’est pas au service de la société, mais bien des personnes qui la composent et qui l’enrichiront de leur apport critique, créatif, spirituel acquis durant leur scolarité.

 Exiger une révolution individuelle en s’exonérant d’une refonte du système éducatif serait hypocrite, démobilisant et anti-productif. Ce n’est pas de pizza, pardon de P.I.S.A. (test d’évaluation des connaissances) dont l’école à besoin, mais de vista (vision élargie). Ce ne sont pas des points d’application qu’il faut donner mais des points de repères pour aider le jeune à s’orienter dans l’opacité ambiante. Plutôt que des instruments de contrôle (aussi discutables que les tests impériaux de Q.I. largement déconsidérés),ce sont des outils d’éducation non quantifiables qu’il faut mettre en place. Jusqu’à 14- 15 ans, la réussite scolaire devrait s’évaluer principalement à l’aune de la capacité du jeune à exploiter ses potentialités, à affirmer sa personnalité, à se monter curieux, imaginatif, créatif, autonome, responsable et critique.

 L’école n’est-elle pas trop le lieu des réponses toutes faites aux questions que l’élève ne se pose pas et où on ne répond pas assez à celles qu’il pose ou voudrait poser ? Comme la mère d’Elie Wiesel, prix Nobel de
la Paix, qui lui demandait à son retour de l’école : « As-tu posé les bonnes questions ? », elle devrait favoriser le questionnement permanent, même et surtout dérangeant, notamment à travers le cours de philosophie, pierre angulaire des autres matières. Non pour rechercher doctement le sens de la vie à travers des doctrines et des systèmes, ni pour imposer des opinions définitives et des préceptes tranchants dignes d’une brève de comptoir, mais bien pour apprendre à penser par soi-même, à l’invite du philosophe-pédagogue américain (encore un !) Matthew Lipman, fondateur d’une « Philosophie pour enfants » à l’usage des écoles maternelles, primaires et secondaires qui, par une méthode conviviale systématisée dans des interrogations et des récits interpellants, oblige le jeune à réfléchir sur les habitudes mentales, les préjugés, les lieux communs, les mises en condition, les dogmatismes…

A ce niveau, l’école, à cause du temps limité consacré à une telle démarche, de l’artificialité de son milieu et de l’absence de lien affectif, ne sera jamais qu’un pâle substitut de la famille d’où tout part et où tout revient, rompue à la construction tâtonnante des équilibres par l’écoute, le dialogue, la confrontation critique et égalitaire des comportements et des contradictions de chacun ; substitut certes, mais malheureusement de plus en plus nécessaire devant certaines carences éducatives patentées de la famille qu’il ne nous appartient pas de dénoncer ici (problème de l’œuf et de la poule : qui est capable de commencer quoi ?).

 

 Et si la conjugaison des trois révolutions de velours : individuelle, familiale et scolaire (rien que cela !) permettait d’élever l’espérance à la hauteur de l’annonce de l’apocalypse (jamais l’homme n’a disposé d’autant de moyens de destruction et de satisfaction massives) et laissait enfin le temps au futur simple d’asseoir son hégémonie, vouant aux gémonies le futur antérieur décidément trop compliqué ?

  

 

 Picron

Vous pouvez calculer votre empreinte écologique en consultant le site www.wwf.fr

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  • Le futur de la planète dépend de la capacité des pays riches à changer leur mode de vie trop destructeur. Seule l’éducation suscitée par une conscience citoyenne ou à défaut par des catastrophes récurrentes peut imposer la décroissance et la simplicité de
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